CONFÉRENCE du 23 avril 2010
à la Maison des Passages (Lyon 5)
Organisée par le CIRC Lyon
« La consommation de cannabis et la conduite automobile »
Avec Me Frédéric Doyez, avocat au barreau de Lyon
Et le Professeur Bernard Laumon, Chercheur à l’INRETS, (Institut national de recherche sur les transports et la sécurité), responsable de l’étude SAM sur les accidents mortels et chargé par les gouvernements Jospin (1999) et Rafarin (2002) d'effectuer une étude de grande ampleur pour :
- savoir si l'usage du cannabis pouvait être dangereux au volant (Jospin)
- prouver que le cannabis était mortel au volant (Raffarin)
M. Laumon est venu répondre à nos nombreuses questions sur cette fameuse étude, dont les résultats ont été contraires aux attentes gouvernementales... tellement contraires qu'on l'a vite rangée au fond d'un tiroir, que les prétendus "experts" ne s'y réfèrent jamais ou font mine de n'en avoir jamais entendu parler, qu'elle est peu connue en France hormis par quelques spécialistes et des cannabinophiles avertis, mais elle est par contre une référence au niveau international de part son ampleur et sa méthodologie (plus de 6000 cas d'accidents analysés pendant 4 ans) et régulièrement citée dans d'autres études sur le sujet malgré l'ancienneté des premiers résultats.
A la lecture des débats et des explications de M. Laumon vous constaterez que certaines informations au sujet des durées de détections sont quelque peu obsolètes aujourd'hui si on les comparent aux méthodes de détection contemporaines. Les tests salivaires ou sanguins de 2018 sont bien plus fiables et performants que ceux de 2005 ou de 2008. Mais le propos général des deux intervenants sur le sujet demeure d'un très grand intérêt et est toujours d'actualité.
Vous pouvez donc télécharger ci-dessous la retranscription de cette conférence, dans sa quasi intégralité... L'étude effectuée par le Pr Laumon est accessible un peu plus bas.
Bonne lecture à vous
Acute cannabis consumption and motor vehicle collision risk: systematic review of observational studies and meta-analysis
https://www.bmj.com/content/344/bmj.e536
Cannabis intoxication and fatal road crashes in France: population based case-control study (premiers résultats de l'étude SAM 2005).
https://www.bmj.com/content/331/7529/1371
Benzodiazepine use and motor vehicle accidents. systematic review of reported association
Téléphoner ou conduire il faudra bientôt choisir
https://presse.inserm.fr/en/phone-or-drive-soon-youll-have-to-make-the-choice/5549/
Rapport du Comité spécial du Sénat sur les drogues illicites, version abrégée « Le cannabis », Les presses universitaires de Montréal, 2002. (pages 19 et 20)
http://www.parl.gc.ca/content/sen/committee/371/ille/rep/summary-f.pdf
Costes J.M (Dir.), « Cannabis données essentielles », Saint-Denis, OFDT, 2007, 232 p.
http://www.ofdt.fr/BDD/publications/docs/cdecomp.pdf
OFDT/CEESAR, INRETS, Groupe SAM, Etude SAM « Stupéfiants et accidents mortels de la circulation routière » Eléments de conclusions, octobre 2005.
http://www.ofdt.fr/BDD/publications/docs/SAM1.pdf
Rapport final OFDT/IFSTTAR 2011 http://www.ofdt.fr/BDD/publications/docs/epfxblr4.pdf
Quelques éléments de conclusion issus du rapport final (pages 122, 123, 136 et 139) :
"Conduites sous influence et décès attribuables à ces conduites :
Les conducteurs sous cannabis représentent 9,8 % des conducteurs responsables de leur accident (Cf. Tableau 68, p 71). Si l’on rapproche ce pourcentage de la fraction de risque de responsabilité d’un accident mortel attribuable au cannabis (4,3 %) (Cf. Tableau 72, p 75), on peut en déduire que dans plus de la moitié des accidents (56 %) dans lesquels un conducteur responsable est sous l’emprise du cannabis, le cannabis n’est pas la cause de l’accident. Ceci n’est vrai que pour un accident sur huit (12,3 %) des accidents dans lesquels un conducteur responsable est sous l’emprise de l’alcool. Ces résultats permettent de rappeler et de quantifier une évidence plus clinique qu’épidémiologique : ce n’est pas parce qu’un facteur causal est présent que ce facteur est la cause de l’événement de santé étudié. Et cette assertion se vérifie d’autant mieux que les risques relatifs associés sont faibles. En d’autres termes, ce n’est pas parce qu’un conducteur responsable d’un accident est sous influence que cette influence est cause de l’accident dans lequel il est impliqué. À noter que cette réalité vient en compléter une autre, base de toute étude épidémiologique : ce n’est pas parce qu’un conducteur est sous une influence reconnue comme “épidémiologiquement” causale d’accident (comme c’est le cas pour le cannabis ou pour l’alcool) que cette influence fera de lui l’un des responsables de l’accident dans lequel il est impliqué.
Ainsi, sur la période de l’étude, on peut dresser le bilan annuel suivant.
Ainsi, on peut considérer que, depuis la fin de l’étude SAM, le nombre de décès imputables à une conduite sous l’emprise du cannabis a évolué dans les mêmes proportions que celui imputable à des conducteurs sous aucune influence, et celui imputable à une conduite sous l’emprise de l’alcool plus favorablement encore. Ces évolutions seraient essentiellement liées à la réduction des vitesses pratiquées suite au développement du Contrôle sanction automatisé (CSA). De fait, de l’ordre de 175 à 190 décès (à trente jours) seraient aujourd’hui imputables à une conduite sous l’emprise du cannabis et 1 380 à une conduite sous l’emprise de l’alcool.
(...) Le sur-risque d’être responsable d’un accident mortel associé à une conduite sous influence cannabique est mis en évidence, avec un effet-dose significatif qui conforte l’hypothèse du caractère causal de cette association. Toutes doses non nulles confondues et après ajustement sur un ensemble de facteurs de confusion, le sur-risque de responsabilité associé au cannabis est de l’ordre de 1,8. Concernant les autres familles de stupéfiants, un sur-risque de responsabilité est mis en évidence pour les amphétamines et pour la cocaïne, mais pas pour les opiacés. Cependant ces sur-risques disparaissent après ajustement sur le cannabis et l’alcool. Même après ajustement sur le cannabis, le sur-risque associé à l’alcool reste élevé. Toutes doses non nulles confondues et après ajustement sur un ensemble de co-facteurs, le sur-risque de responsabilité associé à une alcoolémie non nulle est de l’ordre de 8,5.
(...) La fraction de responsabilité d’accident mortel attribuable à une conduite sous l’emprise du cannabis est estimée à 4,3 %, celle attribuable à une alcoolémie positive à 31,5 %."