Mais la Cour de Cassation rappelle l'esprit de la loi en la matière : "Peu importe le taux, pourvu qu'on ait la trace".
« Attendu que, pour relaxer le prévenu du chef de conduite d’un véhicule par conducteur ayant fait usage de stupéfiants, l’arrêt énonce que celui-ci, qui
présentait un taux d’acide tétrahydrocannabinol-carboxylique dans le sang inférieur à 20 nanogrammes par millilitre, en l’espèce 3,2 nanogrammes par millilitre, n’était plus sous l’influence du
cannabis au moment du contrôle; Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, la cour d’appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et du principe ci-dessus
énoncé. »
Angers. La conduite sous cannabis remise en cause par des avocats
Justice samedi 31 mars 2012
https://www.cannaway.net/actualite/la-conduite-sous-cannabis-remise-en-cause-par-des-avocats/
Une première en France. Un automobiliste du Maine-et-Loire, âge de 36 ans, vient d’être relaxé, alors qu’il restait dans son sang des traces de cannabis après une consommation. Ses avocats ont fait valoir une décision du conseil constitutionnel.
Cet homme, qui avait consommé du cannabis plusieurs jours avant les faits, avait été contrôlé positif aux stupéfiants après un dépistage salivaire, le 14 octobre 2011. Ses avocats, Me Pascal Rouiller et Me Vincent Jamoteau avaient alors plaidé sa relaxe devant le tribunal correctionnel d’Angers. « Il n’existe, en matière de stupéfiants, aucun seuil sérieux, aucun taux défini par la loi, pour établir une quelconque influence sur le comportement d’un automobiliste. » Se référant à l’emprise d’un état alcoolique où un seuil minimum est déterminé pour envisager la répression, une juge d’Angers vient de relaxer leur client.
« Nous ne sommes pas pour l’impunité, mais pour une application stricte de la loi. Or, le législateur, en matière de conduite sous l’emprise de stupéfiants, n’a pas choisi la bonne qualification. » Les deux avocats angevins enfoncent le clou : « Nous ne contestons pas les dispositions concernant l’usage de stupéfiants mais celles relatives au code de la route souhaitant réprimer la conduite sous influence de stupéfiants. »
Aucun lien avec le comportement au volant
Si en matière de conduite sous l’emprise d’alcool, le législateur a fixé des taux, il n’en existe aucun en matière de stupéfiants. Les deux avocats font état d’une décision du conseil constitutionnel qui affirme : « Il appartient au pouvoir réglementaire, sous le contrôle du juge compétent, de fixer en état des connaissances scientifiques, médicales et techniques, les seuils minima de détection témoignant de l’usage de stupéfiants. » Me Pascal Rouiller et Me Vincent Jamoteau ont alors fourni, au tribunal d’Angers, les avis de professeurs de l’Inserm et de plusieurs médecins chercheurs. Ils disent clairement : « En matière de prise de cannabis, il faut prendre en compte deux éléments : la présence d’un principe actif appelé le THC et un principe passif le THC-COOH. » Le THC dans le sang à un certain degré atteste d’une consommation récente de cannabis pouvant, selon les experts, perturber les facultés du conducteur. Le THC-COOH dans le sang ou les urines révèle une consommation pouvant remonter à plusieurs jours, voire plusieurs semaines, sans lien avec d’éventuels effets sur le comportement de conduire.
Pour l’automobiliste du Maine-et-Loire, ses analyses n’ont révélé aucune présence de THC, seulement du THC-COOH à hauteur de 3,7 ng.
Le parquet d’Angers fait appel
Dans son délibéré, la juge d’Angers note d’abord : « Il est indéniable, qu’en matière d’alcool au volant, un seuil a été évalué selon l’esprit de la loi. » En ce qui concerne, la conduite sous influence de stupéfiants définie par aucun seuil, elle estime : « La seule présence de THC-COOH, au regard des connaissances médicales et scientifiques actuelles ne permet pas, en l’absence de THC qui correspond au principe actif du cannabis, d’affirmer que le comportement du conducteur se trouve modifié et qu’il y ait un quelconque effet sur la conduite d’un véhicule. » L’automobiliste est relaxé. Le parquet d’Angers a fait immédiatement appel.
Relaxe d’un conducteur contrôlé positif au cannabis 13/09/2012
La cour d’appel d’Angers confirme un jugement de relaxe prononcé en mars 2012.
Cet homme était poursuivi pour conduite sous l’emprise de stupéfiants. Sa défense est parvenue à convaincre la cour qu’il n’était plus sous l’effet du cannabis au moment du contrôle.
La stratégie de la défense a payé. Les avocats se sont appuyés sur des arrêtés qui prévoient qu’un seul principe actif pourra être recherché dans ce type de procédure. Dans cette affaire, l’analyse du sang de leur client révélait la présence du métabolite non-psychoactif du cannabis (THC-COOH). Et non du principe actif du produit (THC). Le premier reste dans le sang pendant 24 à 48 heures après la consommation de cannabis, tandis que le principe actif n’y est présent qu’entre six et douze heures après.
Brèche juridique pouvant faire jurisprudence
Or si le premier reste plus longtemps présent dans l’organisme, en revanche il n’influe pas sur la capacité à conduire un véhicule. Cet arrêt rendu mardi et confirmant, contre l’avis du parquet, un jugement de relaxe rendu en première instance en mars 2012 est présenté par la défense comme une brèche juridique. Elle met en lumière une imprécision de la loi.
« Cette décision, particulièrement motivée, conforme à la récente décision du Conseil constitutionnel du 09 décembre 2001 et qui pourrait dès lors faire jurisprudence en entraînant l’annulation de plusieurs milliers de procédures judiciaires, a fait immédiatement l’objet d’un pourvoi en cassation de la part du parquet, dont la logique aveuglement répressive a été écartée », écrivent dans un communiqué Mes Vincent Jmoteau et Pascal Rouiller.
ARRET DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
A propos d'une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC)
concernant l'absence de taux de substance illicite détectable dans le sang, de durée entre la prise de stupéfiants et la conduite et le fait que ces ommisions porteraient atteinte au principe de légalité des délits et des peines ainsi qu'au principe de nécessité des peines.
1. Considérant qu’aux termes du premier alinéa, du paragraphe I de l’article L. 235-1 du code de la route : « Toute personne qui conduit un véhicule ou qui accompagne un élève conducteur alors qu’il résulte d’une analyse sanguine qu’elle a fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants est punie de deux ans d’emprisonnement et de 4 500 euros d’amende » ;
2. Considérant que, selon le requérant, en ne prévoyant ni taux de substance illicite détectable dans le sang ni durée entre la prise de stupéfiants et la conduite, ces dispositions portent atteinte au principe de légalité des délits et des peines ainsi qu’au principe de nécessité des peines ;
3. Considérant, d’une part, que le législateur tient de l’article 34 de la Constitution, ainsi que du principe de légalité des délits et des peines qui résulte de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, l’obligation de fixer lui-même le champ d’application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis ;
5. Considérant, en premier lieu, que, d’une part, il était loisible au législateur d’instituer une qualification pénale particulière pour réprimer la conduite lorsque le conducteur a fait usage de stupéfiants ; qu’à cette fin, il a précisé que l’infraction est constituée dès lors que l’usage de produits ou de plantes classés comme stupéfiants est établi par une analyse sanguine ; que, d’autre part, il appartient au pouvoir réglementaire, sous le contrôle du juge compétent, de fixer, en l’état des connaissances scientifiques, médicales et techniques, les seuils minima de détection témoignant de l’usage de stupéfiants ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le législateur aurait méconnu le principe de légalité des délits en omettant de préciser la quantité de produits stupéfiants présents dans le sang pour que l’infraction soit constituée doit être écarté ;
6. Considérant, en second lieu, que la disposition contestée réprime d’une peine de deux ans d’emprisonnement et de 4 500 euros d’amende le fait de conduire un véhicule alors qu’une analyse sanguine révèle que le conducteur a fait usage de stupéfiants ; que, compte tenu des risques induits par le comportement réprimé, les peines encourues ne sont pas manifestement disproportionnées ;
7. Considérant que le premier alinéa du paragraphe I de l’article L. 235-1 du code de la route n’est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
D É C I D E :
Article 1er.– Le premier alinéa du paragraphe I de l’article L. 235-1 du code de la route est conforme à la Constitution.
Rendu public le 9 décembre 2011.
Commentaires du CIRC Lyon :
Ce qu'il faut comprendre :
- De la décision du Conseil Constitutionnel :
La moindre trace de THC détectée dans le sang suffit pour constituer l'infraction. Peu importe que cette trace démontre une consommation récente (présence du THC dans le sang entre 4h et 6h après usage) ou un peu plus ancienne (présence de THC-COOH dans le sang plus de 6h après usage). La consommation du cannabis étant illicite, le code de la route ne prévoit pas de taux légal/illégal comme avec l'alcool; le taux illégal pour le cannabis, c'est dès qu'on en constate la moindre trace...même plus ancienne.
Observation :
Cela confirme donc ce qu'explique le CIRC Lyon dans les conclusions du dossier "Le cannabis au volant" : La loi de 2003 n'est pas une loi de sécurité routière, mais bien une loi supplémentaire visant à criminaliser encore d'avantage les usagers de cannabis puisque l'on peut être poursuivit même si l'on n'est pas sous l'influence du cannabis lorsque l'on conduit.
- A propos des deux articles précédents :
Les 2 avocats s'appuient sur l'arrêt du Conseil Constitutionnel du 9 décembre 2011 (et non 2001 comme stipulé par franceinfo) pour contester la mise en cause de leur client. Le CC avait déjà été saisie à ce propos et s'était déjà prononcée en rejetant précisément le moyen soulevé par les avocats. Il n'y a donc aucune "brèche juridique" comme l'affirment ces derniers; à croire qu'ils n'ont pas lu l'arrêt jusqu'à la fin, ce qui paraît surprenant, car l'énoncé est sans ambiguïté : "le moyen tiré de ce que le législateur aurait méconnu le principe de légalité des délits en omettant de préciser la quantité de produits stupéfiants présents dans le sang pour que l’infraction soit constituée doit être écarté". Mais plus surprenant encore, la Cour d'Appel va dans le sens des avocats en relaxant l'automobiliste. Elle n'a semble-t-il pas lu, ou pas compris, l'arrêt du CC invoqué par les 2 avocats du prévenu... On peut tout de même saluer l'intention des avocats et de la Cour d'Appel de mettre le législateur face à ses incohérences en montrant que la loi ne vise nullement à arrêter des automobilistes présentés comme dangereux. Mais la ficelle était un peu grosse pour mettre la loi et la Cour de Cassation en défaut.
ET malheureusement pour l'automobiliste, la Cour de Cassation n'a pas eu besoin des éclaircissements du CC pour rejeter l'appel en question...
Cannabis au volant : la cour de cassation rappelle que le délit est constitué quel que soit le taux d’imprégnation.
Source ; http://www.juritravail.com/Actualite/alcool-drogue/Id/26653
Par Alain DAHAN – Avocat | 19-11-2012
Contrairement à l’alcool dont le taux d’absorption détermine l’étendue des sanctions pénales à l’égard de l’automobiliste en infraction, l’usage de stupéfiants, dont le cannabis, suffit à lui seul à constituer le délit et à entraîner automatiquement les poursuites. Pourtant, c’est sans relâche que nous autres avocats nous évertuons à démontrer aux juges, quand tel est le cas bien évidemment, que notre client, le prévenu, au moment du contrôle par les forces de l’ordre, qu’un accident de la circulation se soit produit ou non, était parfaitement conscient et cohérent. Qu’ainsi, ce que l’on nomme l’ivresse cannabique et qui entraine perturbations de la perception du temps, des distances, de la mémoire, de la vision, de l’ouïe, n’affectait pas alors notre client. Qu’au moment du contrôle, le cannabis consommé plusieurs heures avant n’était plus actif et que les tests psychomoteurs et psychologiques n’ont permis de démontrer aucune anomalie telle que , par exemple, des troubles de l’équilibre ou un état anormal d’excitation ou au contraire d’apathie. Qu’enfin, le dépistage n’a abouti qu’à un taux de THC relativement faible pouvant démontrer l’absence d’influence du cannabis sur le prévenu.
Dans une affaire jugée en appel, une cour avait été séduite par ce type d’argumentation et avait relaxé l’automobiliste poursuivi. Le Procureur Général avait alors saisi la Cour de Cassation d’un pourvoi. Dans un arrêt en date du 3 octobre 2012, la Chambre criminelle rappelle la force de l’article L. 235-1 du code de la route selon lequel , premier paragraphe: « Toute personne qui conduit un véhicule ou qui accompagne un élève conducteur alors qu’il résulte d’une analyse sanguine qu’elle a fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants est punie de deux ans d’emprisonnement et de 4 500 euros d’amende ».
La Cour d’appel avait prononcé la relaxe aux motifs que : ‘ M. X… a reconnu sur question avoir fumé la veille. Son analyse sanguine a révélé un faible taux de THC-COOH de 3,2 Ng/ ml, ce qui conforte son assertion. Mais il montre surtout, parce qu’inférieure à 20 Ng/ ml, qu’il n’était plus sous l’influence du cannabis. Par voie de conséquence et au vu des considérations qui précèdent, il convient de relaxer M. X… des fins de la poursuite ‘.
La Cour de cassation a tenu à rappeler sans la moindre équivoque que l’article L. 235-1 du code de la route incrimine le seul fait de conduire un véhicule après avoir fait usage de stupéfiants dès lors que cet usage résulte d’une analyse sanguine. « Attendu que, pour relaxer le prévenu du chef de conduite d’un véhicule par conducteur ayant fait usage de stupéfiants, l’arrêt énonce que celui-ci, qui présentait un taux d’acide tétrahydrocannabinol-carboxylique dans le sang inférieur à 20 nanogrammes par millilitre, en l’espèce 3,2 nanogrammes par millilitre, n’était plus sous l’influence du cannabis au moment du contrôle; Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, la cour d’appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et du principe ci-dessus énoncé. »
En conclusion, si l’on s’essaye à pasticher grossièrement la phrase célèbre « peu importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse », on pourra conclure que, en matière de répression de la conduite sous influence de stupéfiants, la règle applicable est : « peu importe le taux, pourvu qu’on ait la trace… ».
Même si aujourd'hui c'est un second test salivaire qui sert à confirmer le premier, il est possible que dans certains tribunaux on utilise encore un test sanguin... En tout état de cause, ne vous laissez pas endormir par le discours d'un policier, d'un gendarme ou d'un juge si vous avez été contrôlés positif. Ne vous résignez pas. Prenez contact avec un avocat, allez dans une maison de justice et du droit, mais ne vous laissez pas faire car les abus sont nombreux... Une contre-expertise n'est jamais de trop, même s'il s'agit d'un test salivaire.
http://www.juritravail.com/Actualite/alcool-drogue/Id/209741
Conduite sous stupéfiants : la contre-expertise
Par vanessa FITOUSSI - Avocat | Modifié le 20-05-2015 |
CONDUITE SOUS L’EMPIRE DE STUPÉFIANTS, POURQUOI la contre-expertise
Le délit de conduite sous l’empire de stupéfiants est sanctionné sévèrement en droit pénal routier français.
Il est sanctionné sévèrement au regard de ses règles de procédure, et de son fondement, puisque toute personne ayant consommé des stupéfiants, même trois à quatre semaines avant le jour où elle est interpellés, peut être poursuivie « pour conduite sous l’empire d’un état de stupéfiants » dès lors, qu’il sera retrouvé des traces du produit stupéfiant suite l’analyse toxicologique qui sera opérée, à savoir la prise de sang.
Nombreux de mes clients se font donc surprendre par un dépistage positif alors qu’ils sont parfaitement à même de conduire et qu’ils ne sont absolument pas dans une situation de perte de discernement et que la consommation de cannabis peut résulter d’une soirée tout à fait occasionnelle et très éloignée du jour de l’interpellation.
Dans ce contexte particulier, lorsque comme toujours la perte des points liée à l’infraction peut avoir des conséquences dramatiques pour le conducteur, il est essentiel de se défendre, de ne pas se résigner aux poursuites de conduite du fait de stupéfiants.
1. Sur les poursuites
La conduite sous l’empire des stupéfiants ressemble aux règles qui s’appliquent en matière de conduite sous l’empire d’un état alcoolique ; pour autant, la jurisprudence a établi quelques différences de même que les textes.
Le fondement de la similitude repose sur le fait que l’analyse toxicologique est seule à même de faire condamner le prévenu.
Il ne peut pas y avoir de faisceau d’indices faisant penser à un état de consommation ; seule une prise de sang positif dans laquelle seront révélés des taux de THC et THC-COOH conséquents permettra la mise en place des poursuites.
Le délit est sévèrement réprimé ; l’usage de stupéfiants au volant entraîne :
L'usage de stupéfiants et le fait de refuser de se soumettre aux vérifications sont passibles des peines suivantes :
2 ans d'emprisonnement, et amende d'un montant de 4 500 €, et retrait de la moitié du nombre maximal de points du permis (6 points).
Le titulaire d'un permis de conduire probatoire voit donc son permis invalidé par perte totale des points.
Les peines sont majorées si le test relève également l'empire d'un état alcoolique.
Des peines complémentaires peuvent être prescrites (suspension ou annulation du permis de conduire, travaux d'intérêt général,...).
Le délit entraîne également la perte de six points sur le permis de conduire.
Enfin, la conduite sous l’empire de stupéfiants est analysée en termes de récidive à l’équivalent d’une conduite sous l’empire d’un état alcoolique ; ce qui signifie qu’en cas de récidive conduite sous l’empire de stupéfiants, conduite sous l’empire d’un état alcoolique, l’annulation judiciaire du permis de conduire sera prononcée de plein droit.
C’est donc dans ce contexte de sévérité qu’il convient de faire valoir les moyens. Or, l’argument essentiel repose sur les modalités de contrôle de la prise de sang ; en matière de stupéfiants comme en matière d’alcool, le conducteur doit pouvoir bénéficier de deux contrôles.
2. La contre-expertise
En matière d’alcool, il est bien connu du grand public l’obligation de demander deux souffles ; de la même manière, en matière de prise de sang en relevant l’existence ou non de produits stupéfiants, il y a possibilité de demander une contre-expertise. Libre à l’intéressé de demander cette contre-expertise ou pas. Il peut y renoncer et ce sera expressément mentionné dans la procédure, mais il doit avoir été en mesure de le faire. En ce sens, la jurisprudence de la Cour de Cassation est également favorable au conducteur puisque un arrêt très récent de la Chambre criminelle vient de rappeler qu’il n’y a pas de délai légal pour demander cette fameuse contre-expertise.
En matière de conduite sous l’empire d’un état alcoolique, le délai légal est de cinq jours pour demander une contre-expertise dans l’hypothèse où les traces d’alcool seront retrouvées dans le sang ; cinq jours à compter de la notification.
Or, en matière de stupéfiants, il n’y a pas de délai légal.
La Cour de Cassation l’a jugé dans un arrêt du 21 janvier 2015. Une exception de nullité avait été soulevée par le prévenu pris en violation des articles R. 235-4 et suivants du Code de la route en ce que la fiche « F » retraçant les résultats de la recherche et du dosage des stupéfiants et, le cas échéant, de la recherche de médicaments psychotiques ne mentionnait pas le prélèvement du deuxième flacon mais ne mentionnait que le prélèvement d’un seul flacon.
La Cour a alors jugé que devait être infirmé le jugement qui peut rejeter la demande d’expertise de contrôle formée par le prévenu en application de l’article R. 235-11 du Code de la route. L’arrêt attaqué retient qu’elle était tardive et qu’elle ne pouvait pas avoir été présentée au cours de la procédure de vérification.
En l’espèce, le prévenu avait présenté tardivement sa demande de contre-expertise ; il n’en demeure pas moins qu’un deuxième flacon devait être mis à la disposition du prévenu ; le deuxième flacon devait faire l’objet d’une contre-expertise.
A défaut de présenter ce deuxième flacon, la procédure en l’espèce a été considérée comme nulle et le contrôle pas suffisamment probant pour poursuivre la personne prise pour conduite sous l’empire de stupéfiants.
C’est donc essentiellement autour de cette notification des résultats de la prise de sang, de la notification et des modalités de taux et de la possibilité de demander un délai de demander une contre-expertise que se jouent les éventuelles nullités. Il est donc essentiel de faire appel à un avocat spécialisé en la matière pour vérifier la procédure, vérifier la manière dont la prise de sang a été effectuée et la qualité des résultats qu’elle fournit et surtout la possibilité ou non de la faire contre-expertiser.
Reste un problème pratique : en cas de demande trop tardive, l’échantillon sera-t-il conservé par le laboratoire ? Pourra-t-il faire l’objet d’une contre-expertise alors qu’il n’est plus à la disposition du parquet ?
Il est évident que plus la demande de ce contre-expertise sera formulée tardivement par rapport à la date des faits, plus les risques sont réels de ne plus pouvoir retrouver ce fameux second flacon.
Dans cette hypothèse, la procédure sera déclarée irrégulière puisque le prévenu n’est pas en mesure de contester la légalité de la prise de sang. Pour votre défense pénale dans le cadre de la conduite sous l’empire de stupéfiants, contactez Maître FITOUSSI. (Avocate à Paris)
Le taux de THC, ou le taux d'alcoolémie, doit-il d’ailleurs être le seul indicateur de la capacité à conduire un véhicule ? Qu’en dit la science aujourd’hui ? Un article du Monde basé sur une étude américaine nous permet de mieux comprendre.
Alcool et cannabis au volant : peut-on appliquer la même méthode de détection ?
LE MONDE 13.05.2016 Par Luc Vinogradoff
Plus de la moitié des Etats américains autorisent actuellement, pour un usage récréatif ou médical, la consommation de cannabis [sous sa forme végétale, marijuana : on ne trouve pratiquement pas aux Etats-Unis de résine]. Cela oblige les polices locales à mettre à jour leurs méthodes, notamment pour la sécurité routière.
La question qui se pose depuis le début de la vague de légalisation en 2012 est : comment définir le seuil au-delà duquel il est illégal de conduire sous l’influence du cannabis ?
Des Etats où l’usage récréatif est légal (Colorado ou Washington) et d’autres où il est médical, (Ohio ou Montana) ont adopté des règles calquées sur celles en vigueur pour l’alcool au volant. Si vous conduisez avec un certain taux de cannabis dans le sang – 5 nanogrammes par millilitre de sang (5 ng/ml) – vous êtes hors-la-loi et on vous confisque votre voiture. Une étude de l’AAA Foundation for Traffic Safety avance l’idée, déjà formulée à plusieurs reprises par le passé, que cette méthode est simpliste et inefficace, car on ne peut pas juger la capacité d’un conducteur uniquement par le taux de tétrahydrocannabinol (THC) dans son sang. Définir des seuils « arbitrairement » comme c’est le cas aujourd’hui est une méthode qui « n’a aucun fondement scientifique », explique l’étude. « Elle pourrait laisser des conducteurs dangereux dans la nature pendant que d’autres seront injustement condamnés pour conduite dangereuse. »
Que dit l’étude ?
Pour résumer, ceci : le taux de THC dans votre sang n’est pas un indicateur fiable pour savoir si vous être en possession de tous vos moyens derrière le volant. Les auteurs ont examiné les dossiers de 602 conducteurs arrêtés aux Etats-Unis avec du THC dans leur sang, notamment les Drug Recognition Expert (DRE). Ces examens, certes un peu arbitraires, sont pratiqués par les policiers lorsqu’ils arrêtent des suspects. En plus d’un prélèvement sanguin, le suspect doit marcher en ligne droite sur 9 mètres, se toucher le nez avec le doigt et rester debout sur une jambe pendant trente secondes. Les policiers américains assurent que les seuls tests physiques permettent de démasquer 88 % des conducteurs ayant bu.
Ce que les auteurs de l’étude ont noté, en comparant les 602 conducteurs à 349 volontaires sobres ayant passé le même test, est que, sans surprise, une bonne partie des personnes qui avaient du THC dans le sang rataient le test. En revanche, ils n’ont trouvé aucun lien entre le taux de THC et la réussite du test :
80 % des personnes avec du THC dans le sang ayant raté le test avaient un taux de 1 ng/ml ou plus.
Mais 30 % de ceux qui ont réussi le test avaient ce même taux.
Autrement dit, des personnes avec un taux de THC très bas dans le sang peuvent se comporter comme s’ils étaient très défoncés. Et des personnes avec un taux de THC stratosphérique peuvent être en pleine possession de leurs moyens. Il faut également prendre en compte le fait que les fumeurs réguliers peuvent encore avoir du THC dans le sang plusieurs mois après en avoir consommé, ce qui fausse complètement les tests.
Comme le dit très bien Vice :
« Le fait que le cannabis a des effets différents sur différentes personnes n’est pas une surprise pour n’importe qui âgé de plus de 15 ans. Le mépris des législateurs pour cette vérité universelle est frustrant, mais pas vraiment surprenant. »
L’AAA dit que les conclusions de son étude ne doivent pas être comprises comme une invitation à s’allumer un joint au volant. Elle rappelle que consommer du cannabis avant ou en conduisant reste dangereux. Selon ses chiffres, les accidents de voiture mortels impliquant le cannabis ont presque doublé dans l’Etat de Washington depuis la légalisation. Elle ne fait que souligner que lutter contre le cannabis au volant en utilisant les mêmes méthodes que pour l’alcool n’a aucun sens. Elle recommande qu’« en attendant qu’une méthode scientifique fiable » soit trouvée, « les policiers utilisent des tests psychologiques et de comportements pour juger si un conducteur qui a fumé du cannabis est apte à conduire ou non ». En France, où le débat sur la dépénalisation n’est pas prêt d’avoir lieu, les recommandations de l’AAA n’auront aucun effet. Il n’existe aucune notion de taux de THC dans le sang pour la conduite. Si vous êtes contrôlé avec ne serait-ce qu’un taux de 1 ng/ml, vous êtes coupable d’un délit passible de deux ans de prison, 4 500 euros d’amende et 6 points de permis.
MORALE de L'HISTOIRE :
- Si vous avez des ennuis avec la justice à cause d'un test salivaire/urinaire/sanguin suite à un contrôle routier, contactez le CIRC !
- RÉAGISSEZ VITE ! AU DELÀ DE 48 H, SELON LA PROCÉDURE ENGAGÉE, IL EST
PEUT-ETRE TROP TARD.
- Le CIRC vous mettra en contact avec des avocats et des juristes.
- Il n'y a que si la loi de 1970 sur les stupéfiants (et les suivantes) est abrogéee et qu'une nouvelle loi encadrant la consommation de cannabis est votée que l'on verra un taux légal/illégal concernant le cannabis et la conduite automobile, comme pour l'alcool.
- Il n'y a qu'un seul moyen pour faire changer la loi ; l'établissement d'un rapport de force avec les pouvoirs publics, c'est-à-dire la mobilisation des usagers du chanvre, en d'autre terme NOUS !
Vous trouvez ça injuste ?
SIGNEZ LA PÉTITION à destination du Défenseur des Droits
et demandant la réécriture de cette loi